A l'approche du tournoi de tennis de Roland-Garros, les passionnés de la balle jaune ignorent que sous les pieds des joueurs, le rouge orangé de la terre battue provient en grande partie des briqueteries du Nord. Parmi elles, l'entreprise Lamour, basée à Waziers, fournit près de 600 tonnes de chutes de briques qui, une fois broyées, finissent en terre battue, pour la plus grande joie des champions de tennis. Explications.
La fameuse terre battue de couleur rouge orangé tant appréciée par les joueurs de tennis n'est pas de la terre battue à proprement parlé, mais de la brique pilée. "La terre battue de Roland-Garros est en fait obtenue par le broyage de briques", nous explique d'emblée, Frédéric Vandeneeckhoutte, directeur de la briqueterie Lamour, située à Waziers, près de Douai. Spécialement pour le tournoi de Roland-Garros, l'entreprise nordiste, qui emploie 25 salariés, a mis en place un circuit de tri.
D'ailleurs, elle stocke chaque année près de 600 tonnes de "chutes de briques", qui sont ensuite livrées à la société Supersol, à Andilly (Val d'Oise) chargée de les concasser très finement et les mélanger avec de la tuile, avant d'être répandues sur les terrains des Internationaux de France.
Briques cassées ou défectueuses
"La sélection est très pointue. Il faut que les briques soient d'une teinte bien orange", poursuit Frédéric Vandeneeckhoutte. Et d'ajouter: "Nous choisissons des briques cassées ou défectueuses car elles sont inutilisables pour la construction, notamment pour l'isolation thermique d'un bâtiment. Ensuite, nous les vendons et les livrons autour de 500 euros pour 1.000 briques hors taxe à l'entreprise Supersol chargée de la mise en œuvre de la terre battue."
Si la matière ne laisse rien transparaître de la composition sur un court de tennis, cette fine couche de briques pilées ne constitue que la couche supérieure épaisse de 2 à 3 mm d'épaisseur du terrain, signale Eric Bouichet, président de Pinson Paysages et Supersol, fournisseur du "rouge" à Roland-Garros. "Nous avons livré cette année 50 tonnes de briques pilées aux organisateurs du tournoi de Roland-Garros", nous confie-t-il.
Juste en dessous de la fine couche, se cache un véritable mille-feuille. Il y a une chape de 7 à 10 centimètres de calcaire blanc de Craon, broyé et compacté, puis une couche de mâchefer, résidu du charbon de houille qui agit comme un filtre et stocke l'eau, sur 10 et 15 centimètres. Un ensemble qui doit être arrosé régulièrement pour assurer par capillarité l'irrigation du terrain.
"En dessous, on trouve la chape de fondation, composée de cailloux, elle-même posée sur deux centimètres de gravillons, sous lesquels se trouvent les drains, et enfin le fond de terrassement, qui doit être traité avant la construction du court, pour éviter tout affaissement", souligne Eric Bouichet.
La fabrication de la terre battue propre à la France est devenue un modèle. Et ce n'est pas le champion de tennis, Rafael Nadal, par exemple, qui s'en plaindra, lui qui, avait protesté, il y a quatre ans contre la rumeur selon laquelle Roland-Garros allait teinter la surface en bleu ou en vert, comme cela se fait dans d'autres tournois. "La terre battue, c'est rouge", affirment les professionnels. Un point c'est tout !
L'utilisation de ce matériau pour les courts de tennis date de la fin du 19ème siècle. Ce sont, en effet, les frères anglais Renshaw, plusieurs fois vainqueurs de Wimbledon, qui ont eu l'idée de recouvrir leurs courts en herbe d'une fine pellicule de poudre provenant du broyage des pots en terre cuite défectueux fabriqués à Vallauris (Alpes-Maritimes). La recette sera conservée et améliorée au fil des ans.