ECHANGES. L'ensemble des acteurs concernés par la réforme du Crédit d'impôt sur la transition énergétique (CITE) ont été entendus en commission à l'assemblée nationale, le 2 novembre. La notion de bouquet de travaux semble refaire surface, mais elle ne va pas sans soulever quelques questions.
Le 2 novembre, trois commissions de l'Assemblée nationale ont auditionné une dizaine d'acteurs du secteur de la construction au sujet de la réforme du Crédit d'impôt sur la transition énegrétique (CITE), qui a fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines. Alors que les contours du futur dispositif ne sont toujours pas connus, l'Ademe, la Capeb ou encore la FFB ont rappelé leur position sur le sujet.
Si le Gouvernement souhaite réformer le CITE, c'est sur la base d'une enquête commandée par le Gouvernement en décembre 2016, rendue en avril 2017, réalisée par l'Inspection générale des finances et le Conseil général de l'environnement et du développement durable. Elle s'appuyait sur les conclusions d'une étude de l'Ademe à l'origine de la polémique : "Pour économiser 1 MWh, il faut investir 1.300 euros de crédit d'impôt dans l'isolation de parois vitrées, et seulement 100 euros pour des travaux d'isolation de toiture", résume David Genet, de l'IGF, audité par les députés. Un autre élément a amené les pouvoirs publics à envisager une exclusion des fenêtres du dispositif, il s'agit des effets d'aubaine. "Nous avons notamment remarqué que l'indice des prix Insee dans le secteur de la menuiserie/fenêtre avait augmenté de 11% depuis 2010". Pour l'IGF, le CITE à 30% pourrait ne pas être étranger à cette dynamique que l'on n'observe pas avec autant d'intensité sur le marché de la rénovation en général.
Inclure un audit énergétique dans le CITE
Pour autant, ni l'Ademe ni l'IGF ne militent pour une exclusion totale des fenêtres de l'assiette du CITE. "Plutôt que de supprimer le crédit d'impôt, nous proposons de le maintenir en cas de remplacement des simples vitrages", a ainsi expliqué Johan Ransquin, de l'Ademe. "Nous proposons aussi de le maintenir dans les logements collectifs, car en copropriété il n'est pas évident d'intervenir sur les parties communes des bâtiments." L'IGF, pour sa part, conseille de faire en sorte de diviser par deux l'argent du CITE investi dans le remplacement des fenêtres, mais aussi d'inclure dans le dispositif un audit énergétique préalable aux travaux - une demande formulée par le Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa) sur Batiactu. Elle pourrait aller dans le sens de la mise en place d'une logique de bouquet de travaux.
Cette notion de bouquet de travaux a d'ailleurs été au coeur des débats - elle était incluse dans le crédit d'impôt développement durable (CIDD), remplacé en 2014 par le CITE. Mais elle pose la question récurrente des moyens financiers dont disposent les clients. Un point de blocage qui, selon Johan Ransquin de l'Ademe, pourrait être levé par la programmation des travaux dans le temps au moyen du passeport de rénovation énergétique. "L'absence du bouquet de travaux dans le CITE fait que l'on cible moins les rénovations énergétiques les plus ambitieuses", a-t-il ajouté. "Nous pouvons également mettre en place un système où l'on bonifie le CITE en cas de bouquet. Le client aurait droit à davantage d'aides en faisant plusieurs gestes."
"Nous ne voulons pas de rupture trop brutale du CITE en 2018"
Pour autant, cette idée de bouquet de travaux n'est pas prioritaire pour tout le monde, notamment Bernard Coloos de la Fédération française du bâtiment (FFB). "Plutôt que l'idée de bouquet de travaux, nous préfèrerions l'idée d'obligation de changer une certaine proportion d'équipements, par exemple 50% des fenêtres d'un logement." Le professionnel note d'ailleurs que la notion de bouquet de travaux dans des habitations collectives pose problème. Et rappelle les autres demandes de la FFB en matière de CITE et de fenêtres : faire passer le taux à 15%, réserver le dispositif au remplacement de simples vitrages. "Pour nous, l'essentiel est qu'en 2018 il n'y ait pas de rupture trop dure, pas d'exclusion", a -t-il résumé devant les députés, rappelant lui aussi que le soutien financier aux rénovations globales et ambitieuses était le "chaînon manquant" de la politique d'efficacité énergétique française. "Or, qui dit rénovation globale dit aides financières massives", ajoute Bernard Coloos pour qui une réduction brutale du CITE serait un très mauvais signal.
Patrick Liébus, président de la Capeb, s'est dit lui favorable à un retour de la notion de bouquet de travaux. Mais a rappelé l'importance du rôle des fenêtres dans l'efficacité énergétique d'un bâtiment. "Le seul remplacement d'un vitrage ou d'un volet a un effet thermique très réduit, nous sommes d'accord avec cela. Mais le problème vient souvent du cadre de la fenêtre, comme nous pouvons le constater lorsque nous faisons un audit", assure-t-il. "L'entourage des fenêtres n'est souvent pas adapté à la notion de performance énergétique. Et des millions de logements sont dans cette situation. Ainsi, si vous améliorez l'isolation au plafond, installez une meilleure chaudière, mais que vous ne touchez pas aux fenêtres, vous aurez un vrai problème." Patrick Liébus invite également les pouvoirs publics à adapter le CITE aux différentes zones géographiques.