Le Conseil des ministres a adopté mercredi une ordonnance créant les partenariats public-privé (PPP), ce qui permettra à opérateurs privés de concevoir et gérer des équipements publics. Cette décision, attendue par les majors du BTP, inquiète les petites entreprises et les architectes.

Cette ordonnance, présentée par le ministre de l'Economie Nicolas Sarkozy, institue une nouvelle forme de contrat associant l'entreprise privée aux investissements et à l'exploitation d'équipements ou de services publics.
A la différence des marchés publics, ces contrats peuvent s'étendre sur le long terme, comprendre une prestation globale allant de la conception d'un bâtiment et de sa construction jusqu'à sa maintenance, et englober le montage juridique et financier des opérations, précise le communiqué du conseil des ministres.

Avec les PPP, le privé pourra à la fois concevoir, construire et assurer la maintenance et la gestion des bâtiments publics, dans le cadre d'un contrat de long terme (15 ans par exemple) avec l'Etat.

Le gouvernement compte notamment utiliser les PPP, qui s'inspirent du modèle anglais des PFI (private finance initiative) pour la construction et la maintenance des hôpitaux, des prisons, des commissariats et des casernes.

Pour Bercy, ce système aura l'avantage, au niveau budgétaire, d'étaler les charges de l'Etat sur une longue durée, le paiement des services fournis devant s'effectuer par un loyer mensuel ou annuel étalé sur la durée du contrat. Bercy estime également que "la participation du privé permettra d'améliorer la gestion des équipements" concernés.

L'opposition a critiqué le principe des PPP par la voix du député socialiste de l'Ardèche, Pascal Terrasse, qui estime mercredi, dans une tribune publiée par Les Echos, qu'ils "sont en opposition avec la logique du service public français" fondé sur "la transparence et l'égalité devant la commande publique".

Il relève de plus qu'une "incertitude juridique exceptionnelle" plane sur les PPP, qu'il qualifie de "cadeau aux banques et aux très grandes entreprises", en raisons notamment des réserves du Conseil constitutionnel.

Ce dernier a, dans une décision datant du 26 juin 2003, estimé que les PPP dérogeaient aux règles garantissant l'égalité devant la commande publique et ne doivent donc s'appliquer que dans des cas d'"urgence" ou de "caractéristique technique particulière d'un équipement ou d'un service déterminé".

En revanche, le député de la majorité UMP et ancien ministre de l'Economie Alain Madelin, à l'origine de cette ordonnance, s'est réjoui mercredi de l'adoption des PPP, "un formidable outil tout terrain" qui permettra, selon lui, de "réaliser des équipements en plus grand nombre, plus rapidement et de meilleure qualité".
"C'est une vraie révolution culturelle: pour la première fois, au nom de l'intérêt général, le privé dit: nous pouvons remplir des missions d'intérêt général", a-t-il ajouté, en estimant que les travaux concernés pourraient représenter "un demi point de PIB".

Du côté des professionnels, les réactions sont partagées, principalement selon la taille des entreprises. Les majors attendaient avec impatience cette ordonnance et la plupart ont déjà réalisé des opérations de ce type à l’étranger.
"Sur 3 ans, cela pourrait représenter 55.000 emplois dans le seul BTP", a estimé Xavier Bezançon, délégué général d'Entreprises générales de France-BTP, le syndicat des majors du BTP.

Du côté des petites entreprises, c’est plutôt un sentiment d’inquiétude qui domine. La Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) s'est déclarée "inquiète" et "réservée" sur les PPP, estimant qu'"il est illusoire de penser que l'accès équitable de toutes les entreprises aux PPP sera préservé" dans le cadre de ce dispositif.

Enfin, les architectes - qui se sont longtemps battu contre ce projet - redoutent que la banalisation des PPP entraîne "un risque grave pour la qualité du cadre de vie".
Pour les architectes, ce système qui pourrait se révéler comme un accélérateur d’affaires semble plutôt assujettir les communes à des endettements plus importants et à des procédures de réalisations allongées. "N’avoir plus qu’un seul interlocuteur donne aux communes une impression de simplicité, mais dialoguer avec un entrepreneur n’est par la même chose qu’avec un architecte. Chaque changement au contrat d’un entrepreneur se gère plus difficilement qu’avec un architecte, notamment au point de vue financier", affirment les organisations professionnelles dans un Livre Blanc.

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