L'Agence régionale de santé d'Île-de-France dresse un tableau inquiétant de l'habitat dans la région : entre 30 et 45 % des logements dits « indignes » seraient regroupés sur son territoire. Ces habitations qui porteraient atteinte à la dignité humaine, et potentiellement à leur santé, représenteraient près de 5 % du parc, soit plusieurs centaines de milliers de logements, principalement en Seine-Saint-Denis et dans le Val d'Oise, dans le Nord de la capitale.
L'Île-de-France est la région administrative la plus peuplée de France avec près de 12 millions d'âmes (19 % de la population nationale) et la plus densément habitée (966 h/km²). Même si c'est aussi une région riche, elle est également la première touchée par l'insalubrité, selon les chiffres de l'Agence régionale de santé locale (ARS-IDF). En 2010, 177.445 logements du parc privé étaient ainsi considérés comme potentiellement « indignes », une notion apparue en 2009 dans la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions. Chaque année, l'ARS-IDF ne reçoit pourtant que 4.500 signalements et plaintes, permettant le lancement de près de 2.300 procédures pour des logements et parties communes. Près de 900 arrêtés préfectoraux ont été prononcés par l'Agence, en majorité en Seine-Saint-Denis (200 arrêtés). Les trois-quarts des logements insalubres seraient concentrés dans les zones urbaines centrales et concerneraient les populations en situation de précarité économique. En grande couronne, le département du Val-d'Oise serait le plus touché avec une proportion de résidences privées indignes de 4,4 %.
Une précarité aux multiples visages
Alors qu'en proche banlieue parisienne, les locataires représenteraient entre 70 et 80 % des occupants de ces logements insalubres, en milieu plus rural, il s'agirait d'une population vieillissante de propriétaires occupants « qui ne se plaint pas et garde d'autres normes culturelles vis-à-vis du logement », selon une étude de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme francilien (IAU). L'habitat indigne est donc multiple en Île-de-France, avec des logements anciens dégradés, des copropriétés plus récentes et dégradées, ou encore des locaux impropres à l'habitation. Anne-Claire Davy, ingénieur d'étude à l'IAU explique : « Beaucoup d'arrêtés d'insalubrité restent sans suite. Les services de l'Etat hésitent parfois sur les procédures à engager par peur des contentieux portés, et parfois gagnés, par les propriétaires » qui développent alors un sentiment d'impunité. L'autre difficulté serait celle du coût de ces procédures qui induisent parfois des relogements définitifs à prendre en compte (hôtels, résidences sociales). Sur tout le territoire d'Île-de-France, entre 400.000 et 600.000 logements seraient potentiellement considérés comme « un déni au droit de logement portant atteinte à la dignité humaine ».
Différents critères définissent l'insalubrité notamment la présence d'ouvertures sur l'extérieur ou la destination des locaux (caves, combles, sous-sols, ateliers). D'autres risques sont liés à la sureté des réseaux d'électricité ou de gaz, aux défauts dans les fondations, les fissurations constatées dans les murs porteurs, les plafonds, les parquets ou les charpentes, les problèmes d'étanchéité entraînant la formation de moisissures, l'accumulation de déchets putrescibles ou la présence de nuisibles (insectes ou rongeurs) potentiellement vecteurs de maladies.