En visitant un bidonville de Choisy-le-Roi, en région parisienne, le fondateur des compagnons d'Emmaüs a jeté un pavé dans la mare en défendant la loi SRU à l'heure même où le Sénat examine une proposition de loi visant à vider de sa substance le fameux article 55 obligeant les communes à se doter d'un quota de 20% de logements sociaux.

Lundi 4 novembre, l'abbé Pierre est allé rendre visite aux familles d'un campement tzigane situé aux portes de Paris, à deux pas d'une autoroute. De son fauteuil roulant, le fondateur des communautés Emmaüs a rappelé son "indignation" lorsqu'il a pris connaissance du projet du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, dont certaines dispositions pénalisent l'exploitation de la mendicité ou la mendicité agressive, et les occupations illégales de terrains.

Il a également proposé un "amendement abbé Pierre", intitulé "de l'insécurité des exclus" qui stipule que "nul ne peut être poursuivi pour avoir mendié, cherché un abri dans un logement ou un terrain non occupé, s'il ne lui a été proposé un moyen digne de subsistance et de logement. La responsabilité de l'Etat et des collectivités locales peut être engagée pour non-assistance à personne en situation d'exclusion ou dont la détresse financière est exploitée".

"L'abbé Pierre n'a pas été bien informé", a répondu aussitôt le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, interrogé par des journalistes lors de sa visite à Colmar, "il n'y a pas de mesures contre les mendiants", a-t-il dit, dans le projet de loi. Le ministre a affirmé que son texte visait à répondre aux attentes de "la France des oubliés", de "ceux qui ont un travail difficile et peu valorisant, des transports longs, des appartements peu confortables, qui vivent dans des quartiers exposés".

Bien évidemment l'"amendement" proposé par l'abbé aurait peu de chance d'être voté, mais le défenseur des mal-logés a surtout souhaité dénoncer les municipalités qui refusent de construire des logements sociaux ou les conseils généraux qui ignorent la loi Besson, adoptée en 1999, et qui oblige les départements à prévoir un accueil pour les gens du voyage.

D'ailleurs, le président de la République Jacques Chirac devrait recevoir deux lettres à ce propos. L'une, personnelle, de l'abbé Pierre, qui lui demande de peser dans le débat. L'autre, commune à la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, et Xavier Emmanuelli - ancien ministre d'Alain Juppé, fondateur du Samu social et président du Haut-Comité pour le logement des défavorisés - qui attire l'attention du président sur le mal-logement en France.

Dans ces courriers, les deux personnalités demandent notamment au chef de l'Etat de veiller à ce que ne soit pas remise en cause la loi contraignant les communes à construire 20% de logements sociaux.

Un véritable pavé dans la mare médiatique à la veille de l'examen par le Sénat de la proposition du sénateur Dominique Braye qui, si elle est adoptée, videra de sa substance le fameux et très controversé article 55 de la loi SRU obligeant les communes à se doter d'un quota de 20% de logements sociaux. Une concomitance "qui choque" a déclaré l'abbé Pierre.

Nul doute que Gilles de Robien tiendra compte des remarques de celui qui est encore une des personnalités les plus écoutées des Français. Hasard du calendrier ? Dans la soirée de mardi 5 novembre, le ministre du Logement - aux côtés de Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion - a prévu de rencontrer les associations d'insertion par le logement pour débattre avec elles des orientations du programme national de lutte contre l'exclusion dans le domaine du logement.

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