Reconstituer sans altérer, tel est le maitre mot de Jean-François Guinot, maître verrier à Limoges. Cet artisan répare les vitraux endommagés des églises, mais crée aussi de nouvelles pièces pour insérer le vitrail dans une architecture plus contemporaine. Voyage dans le temps.
«La restauration, ce n'est pas seulement reconstituer une image manquante. Il y a tout une démarche déontologique, un travail d'archéologie. On ne remplace pas une pièce cassée, on la recolle». Jean-François Guinot est maître verrier à Limoges. Il conserve, restaure, mais aussi crée des vitraux. Un travail minutieux qui nécessite des connaissances historiques, des recherches et le respect du matériau lors de sa restauration. «Nous n'avons pas le droit de recuire les pièces, car cela altère le matériau et la peinture», explique l'artiste. «Notre travail consiste à préserver le matériau tout en lui redonnant une lisibilité».
Jean-François Guinot travaille principalement pour des communes, à la restauration d'églises. «Il y a un potentiel énorme, entre les vitraux qui s'abîment, les intempéries et aussi, malheureusement, le vandalisme». Les altérations peuvent différer en fonction des régions, de la proximité de la mer notamment, et des méthodes de mise en œuvre. «Dans le Limousin, les peintures ont tendance à se décoller. La région de la vallée du Rhône qui est plus exposée au vent bénéficie d'un double vitrage extérieur, qui limite la condensation», indique Jean-François Guinot. «Le principal ennemi des matériaux est l'humidité. Sans cela, nous n'aurions pas besoin de restaurer les vitraux». L'installation d'une double verrière à l'extérieur, qui empêche l'humidité et donc le développement de micro-organismes qui attaquent le verre, est une solution fréquemment utilisée mais qui reste onéreuse.
Préserver l'authenticité
S'il est aujourd'hui président de l'organisation nationale professionnelle des maîtres verriers, Jean-François Guinot a fait ses études à l'Ecole nationale des Arts décoratifs «où on ne nous parlait pas du tout de vitraux. Je les ai découverts par hasard, en travaillant dans un cabinet d'architectes». Après avoir travaillé plusieurs années au sein d'une entreprise spécialisée dans le patrimoine, il crée sa société en 1990 et entame de petits chantiers, principalement pour des communes ou des architectes. Dernièrement pour les journées du patrimoine, Jean-François Guinot en collaboration avec l'artiste plasticien Jean Fourton ont innové un nouveau concept de tapisserie insérée dans un double vitrage. L'un de ses chantiers les plus marquants est une cathédrale du XIXe siècle, avec des vitraux de style XIIIe siècle. «Il fallait préserver l'authenticité de la serrurerie de ces vitraux : on ne pouvait donc pas remplacer les barlotières, et il a fallu trouver une solution technique. Cela a consisté à ajouter un élément presque invisible pour le maintien des vitraux au lieu de remplacer toute la pièce», explique Jean-François Guinot.
Mais Jean-François Guinot privilégie aussi les techniques anciennes, notamment en découpant le verre au diamant. «Utiliser les mêmes outils qu'à l'époque de la création du vitrail permet de travailler une pièce dans les mêmes conditions». Les peintures, elles, n'ont pas changé, mais «elles se sont améliorées depuis les années 70. On utilise la grisaille, en faisant des dégradés sur des verres de couleur», précise-t-il.
Mais il œuvre aussi avec des architectes ou dans le domaine privé. En effet, si les vitraux d'église sont les premiers qui viennent en tête et représentent une grande partie du travail de Jean-François Guinot, l'artiste est également appelé à travailler sur des chantiers plus contemporains. Car aujourd'hui, les particuliers aussi s'intéressent à la création. Aussi, Jean-François Guinot peut-il être sollicité pour créer une fenêtre, ou encore une porte de couloir dans une maison individuelle. «Il y a encore cinquante ans, l'image du vitrail, c'était le style Art-déco. Maintenant, le vitrail est considéré comme une œuvre d'art à part entière. Des artistes tels que Max Ernst ou Marc Chagall qui l'ont beaucoup utilisé ont également permis au vitrail de reprendre sa place», estime Jean-François Guinot. «Avant, les maîtres verriers n'étaient pas considérés comme des créateurs, mais comme des artisans au service de leurs commanditaires».
Précision
«Utiliser les mêmes outils qu'à l'époque de la création du vitrail permet de travailler une pièce dans les mêmes conditions», indique Jean-François Guinot.
Vitraux
Jean-François Guinot travaille principalement pour des communes, à la restauration d'églises.
Chapelle de Vaulry
Jean-François Guinot a réalisé en 2008 la rosace de la chapelle de Vaulry, dans le Limousin.
Détail
Jean-François Guinot
«La restauration, ce n'est pas seulement reconstituer une image manquante. Il y a tout une démarche déontologique, un travail d'archéologie. On ne remplace pas une pièce cassée, on la recolle».