CRITIQUE. La Cour des comptes estime que la politique de cession de foncier public avec decote en faveur du logement social est complexe, coûteuse et peu efficace.
"Peu efficientes", "complexes", coûteuses pour les finances publiques et pas assez contrôlées : la Cour des comptes épingle, dans un référé rendu public mardi 23 janvier 2018, les cessions de foncier public avec décote en faveur du logement social. Pour rappel, la loi dite de "mobilisation du foncier public" du 18 janvier 2013 permet à l'Etat et à certains établissements publics de vendre des terrains à des prix inférieurs à leur valeur, lorsqu'un projet de construction inclut des logements sociaux.
Dans un référé adressé au Premier ministre le 26 octobre 2017, la Cour des comptes évalue ce dispositif qui devait permettre la "mise en chantier rapide de logements locatifs sociaux", avec un potentiel chiffré à 110.000 logements sur 2012-2016. Il n'a au final abouti qu'à 69 opérations permettant la construction de 6.700 logements, pointe l'institution.
Un coût de 107 millions d'euros
"La Cour sous-estime l'effet d'entraînement de la loi, qui a dopé les ventes de foncier public, y compris sans décote : des opérations parfois bloquées depuis 10 ans ont été engagées grâce à cette volonté politique affichée de produire plus de logements, notamment sociaux", tempère auprès de l'AFP Thierry Repentin, ex-président (2013-2016) de la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier (Cnauf), chargée d'arbitrer l'application du dispositif.
D'un coût de 107 millions d'euros, il a "parfois" fourni une "aide disproportionnée" par rapport à l'objectif de construction des opérations, et "les intérêts patrimoniaux de l'État n'ont pas toujours été suffisamment protégés, ce qui justifierait un contrôle financier renforcé des opérations", affirme la Cour. Car l'Etat "ne s'est pas doté des moyens nécessaires pour vérifier que la décote a bien servi à garantir l'équilibre" des opérations, "et non à accroître les fonds propres de l'acquéreur".
Autre critique: l'apprentissage du dispositif a été "long" et "difficile"
pour des administrations comme France Domaine, soumises à des "injonctions contradictoires", entre "la volonté de valoriser au maximum le patrimoine de l'État" et celle "d'accorder des décotes généreuses pour développer le logement social". La Cour préconise de "recentrer la décote sur les zones tendues" - mais elle a été appliquée "à 80% en zones tendues ou très tendues", dit M. Repentin.