NUMÉRIQUE. La filière est-elle prête pour l'instruction dématérialisée des demandes de permis de construire au 1er janvier 2022, comme le prévoit la loi ? Fin mai, François Pélegrin, président d'honneur de l'Unsfa, a présenté une expérimentation qui doit aider architectes et services instructeurs à appréhender le permis de construire numérique, dans le cadre du plan BIM 2022.
Le plan BIM 2022, présidé par Yves Laffoucrière et qui prend la suite du Plan de transition numérique du bâtiment (PTNB), vise à accompagner la transformation de toute la filière vers la numérisation des pratiques, de la conception à la gestion des bâtiments, en passant par l'instruction dématérialisée du permis de construire (PC). Lors d'une table-ronde organisée par Abvent, éditeur de logiciels d'architecture, fin mai, François Pélegrin, architecte urbaniste, président d'honneur de l'Unsfa, a précisé les contours d'une expérimentation visant à faciliter l'instruction dématérialisée des permis, qui sera théoriquement obligatoire pour les collectivités au 1er janvier 2022.
Jean-Michel Woulkoff, président de l'Unsfa, Frank Hovorka, directeur de l'innovation de la Fédération promoteurs immobiliers (FPI), Cécile Semery responsable du pôle architecture et maîtrise d'ouvrage de l'Union sociale pour l'habitat (USH), et Clément Lhomme, directeur du développement d'Emmaüs Habitat, également participants à cet événement, ont apporté leur soutien à cette expérimentation, "qui devrait être annoncée prochainement par le ministère", dans le cadre du plan BIM 2022, d'après François Pélegrin, et qui vise à tester, de manière volontaire, cette nouvelle méthode. L'objectif, dont les acteurs présents conviennent : "aller beaucoup plus loin que le simple PDF sur un serveur".
"L'objectif est de moderniser l'instruction du PC, qui a beaucoup de défauts aujourd'hui. Le BIM est un outil pour améliorer le dialogue entre les différentes compétences. De ce point de vue, la maquette numérique permet de fiabiliser le dépôt du PC pour éviter les erreurs", argumente l'architecte. Avec deux avantages concrets, selon lui : la réduction des délais d'instruction, d'une part, "ce qui représente quelques milliards à l'échelle nationale", et la réduction des coûts de non-qualité, d'autre part, "soit 20 milliards annuels". "Si le BIM permet une réduction de 40% de ces coûts, c'est 8 milliards d'euros par an qui seront économisés", avance François Pélegrin.
Une expérimentation à sept niveaux
L'expérimentation qu'il porte propose sept niveaux d'incorporation du BIM dans l'instruction des permis. Le premier niveau, le plus basique, déjà mis en place par la mairie de Paris depuis avril 2019 (pionnière au niveau national), est l'instruction de la demande de PC sur PDF plutôt que sur papier. Le deuxième inclut le BIM, sans formation nécessaire des instructeurs ni outils informatiques spécifiques car l'architecte présente la maquette numérique. Le troisième se fait sans l'architecte, mais avec les outils et compétences adéquats nécessaires côté instruction. Le quatrième prévoit de confronter la maquette numérique aux règles d'urbanisme. Le cinquième incorpore les SIG (cadastre, géoportail, données Cerema), "ce qui permet de passer au QIM (pour 'quartier'), CIM (pour 'city') et TIM (pour 'territoire')" et de penser numériquement le projet dans son environnement. Le sixième niveau prévoit un certificat de conformité automatique, avec passage de drone et comparaison avec la maquette. Le niveau 7, le plus complet, prévoit de faire entrer dans l'équation "tous les articles du PLU, sauf l'article 11 sur l'intégration harmonieuse du projet dans son environnement".
"Il est techniquement possible d'instruire automatiquement un PC, sur maquette numérique, en quelques minutes et sans intervention humaine ou très peu. Le script est prêt, on peut le faire", explique l'architecte. "La maquette permet à toute la chaîne d'avoir les mêmes infos en même temps. Mais elle a un danger, c'est qu'elle n'a pas d'échelle, pas de cachet", tempère François Pélegrin. Selon lui, "il faudra toujours le PDF qui donne l'étape juridique où l'on est, qui donne l'échelle. Il faut donc les deux".
Se passer des Gafam
Si la maquette permet l'autocontrôle, elle favorise également "une vérification visuelle rapide et partagée" du programme, par rapport aux préconisations du maître d'ouvrage, mais aussi par rapport au PLU. Cette maquette servira également de carnet numérique du bâtiment et doit, à ce titre, appartenir au bâtiment, plutôt qu'au maître d'ouvrage ou au maître d'œuvre, plaide l'architecte. Autre enjeu, territorial et national, enfin : "avec les PC numériques, il faut que l'on s'organise pour capter et maîtriser les données pour la gestion prédictive et intelligente de la ville, en se passant des Gafam, sinon ils finiront par nous facturer l'utilisation de ces données".