La transition numérique du secteur de la construction se traduit par une multiplication des sources d'informations relatives aux bâtiments et à leur exploitation. Quel sera l'impact de cette connectivité ? Eléments de réponse avec Hop-Cube, Bouygues Construction et Telmma.

En passant des automatismes simples à l'ère informatique, puis au pilotage à distance des installations, le monde des bâtiments est en pleine mutation. Conçu et réalisé au moyen de la maquette numérique, puis exploité grâce à des données recueillies tout au long de son cycle de vie, l'immeuble est source d'informations. Marc de Nomazy, directeur maîtrise d'ouvrage et HSE chez le property manager Telmma, explique : "Après les GTC, la nouvelle étape est celle du Big Data, avec des relevés toutes les 10 secondes de données, afin d'optimiser l'exploitation des bâtiments. Demain, ce sera l'interconnexion des données issues des lots techniques avec celles issues des matériaux eux-mêmes, qu'ils soient à changement de phase ou qu'ils emmagasinent de l'énergie. Et elles seront croisées aux données d'usage". Le property manager donne l'exemple du compteur intelligent Linky, en cours de déploiement chez les particuliers : le relevé automatique des consommations s'avère être beaucoup plus fiable que celui dépendant d'un employé, dont les horaires et dates de passage sont variables et ne permettent donc pas une comparaison précise. "Un écart de quelques jours d'une année sur l'autre peut entacher les consommations d'une erreur de plus de 5 %", souligne-t-il.

 

Thomas Albisser, co-fondateur de Hop-Cube, société qui développe des outils informatiques liés au Big Data, précise : "La récolte de données est facilitée dans les immeubles neufs, équipés de capteurs, mais elle est compliquée dans le bâti existant. De plus, ces bâtiments connectés sont finalement isolés les uns des autres : qu'en est-il de la mise en réseau pour avoir une vision à l'échelle du quartier ou de la ville ?". Le traitement d'une grande quantité de données s'avère être compliqué et chronophage.

 

Effet de mode ou tendance profonde ?

 

Pour autant, le bâtiment connecté est une étape importante dans l'histoire de la construction. "C'est une demande du marché à laquelle nous répondons", affirme Adrien Sanchez, responsable du pôle Ingénierie Environnement chez Bouygues Bâtiment Île-de-France Construction privée. "Cela change la façon de construire : le BIM emploie chez nous quatre personnes à plein temps sur un effectif de 700. Toutefois, il faut faire attention à l'effet gadget du bâtiment connecté mais arriver à créer de la valeur". Marc de Nomazy renchérit : "C'est un effet de mode, certes, mais aussi une tendance profonde. La question de l'acceptabilité par les usagers est essentielle".

 

Au-delà des questions de consommations énergétiques, se pose celle, plus globale, du bilan carbone de la construction. "Il s'affirmera dans les 3 à 5 ans", soutient le property manager, "ce qui permettra de déterminer une valeur : un immeuble bien conçu gagnera entre 0,15 et 0,25 point de capitalisation, ce qui est équivalent à une labellisation HQE". Cette légère surcote impacte positivement les comptes, de l'ordre de plusieurs millions d'euros sur l'ensemble de la durée de vie du bâtiment. La problématique sera de récupérer et agréger les données liées au carbone avant que ne soit figée la future RBR 2020. "Il faut y réfléchir dès maintenant, sinon il sera trop tard", déclare Adrien Sanchez.

 

Fiabilité de l'information

 

Là encore, la fiabilité de l'information, voire sa certification par des organismes tiers, sera cruciale. De même que sa transmission aux exploitants, clients et usagers. "Il faut une information pertinente. Il n'est pas utile de tout communiquer à tout le monde. Ce qu'il faut c'est une restitution différenciée", prévient Marc de Nomazy. Le passage à l'Open Data ne serait donc pas judicieux, voire potentiellement nuisible, car les données auront un prix et leur utilisation un coût. Les professionnels s'inquiètent également d'une possible pénurie de spécialistes bien formés et suffisamment expérimentés, capables d'analyser toutes ces futures données. Mais Thomas Albisser se veut rassurant : "La connectivité entraîne la pro-activité et c'est de la transparence. L'absence d'information est finalement toujours plus stressante". Les bâtiments communiqueront-ils des ondes positives et apaisantes ?

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